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Perché pour mieux observer le monde. Autour de l’œuvre de Francis Hallé (par Alexis Jenni)
Retour sur le jeudi 5 juin à La Ciutat (Pau) avec les élèves du Lycée des métiers de montagnes Soeix d'Oloron et leur professeur Jean-Michel Lanot pour accueillir Alexis JENNI (Goncourt 2011, prix ELN récit/essai 2022 et 2025); "Perché pour mieux observer le monde: l'humain et les forêts" autour de sa biographie de Francis Hallé (Paulsen, 2024). Le train de notre invité accusait 30 minutes de retard ? Qu'à cela ne tienne; présentation d’Alexis Jenni et Francis Hallé par Jean-Michel Lanot, diffusion d'un extrait de documentaire récent ("La magie des arbres", France 2, 22', 2025, lien ci-dessous) sur le parcours de Francis Hallé, quizz de deux questions aux élèves sur le documentaire avec 1 livre offert par l'association Ecrire la Nature au premier étudiant trouvant la bonne réponse. Et comme par enchantement Alexis Jenni arriva pile à la fin de ce temps.





Extrait, p.33:
Nous descendîmes par les escaliers tortueux, contournâmes le bâtiment, passâmes une porte métallique et le jardin apparut, insoupçonnable depuis la rue située en contrebas, tout autant que de la fenêtre encombrée de feuillages. Un jardin immense et touffu. Nous déambulâmes parmi les arbres, leur rendîmes visite un par un, et Francis me les racontait, ceux qu'il avait ramenés et plantés lui-même, ceux dont il avait conseillé l'installation ou l'entretien, ceux qu'il admirait simplement, qui étaient là depuis un ou deux siècles. Les parcs sont de très bons conservatoires des beaux arbres, car ils sont choisis avec soin et laissés en paix.
Il y avait chez Francis un laurier de Californie. Il froissa une feuille et me la rendit: "Tiens, sens; c'est spécial.". En effet, c'était diablement fort et assez incohérent, comme entrer dans une boutique de parfums emplie de la cacophonie de cent marques côte à côte. Comme dans un cauchemar olfactif, on n'y comprenait rien, et en plus ça collait aux doigts. J'en ai gardé l'odeur étrange incrustée dans la peau pendant deux jours.
Il y avait un Sophora, avec son tronc bizarrement tressé - comme si de nouvelles tiges apparaissaient, s'éloignaient, puis se ravissaient - et ses longues feuilles pendantes jusqu'au sol. "Regarde, un arbre qui pousse à l'envers." Le contraste était étonnant entre les longues feuilles plongeantes et pennées dont les folioles redressées semblaient monter en sens inverse, produisant un étrange trouble de perception géométrique.
Il y avait de très beaux pins d'une très belle vigueur... (Alexis Jenni)